Comment développer un écosystème innovant ?

Olivier de Wasseige | Amélie Alleman | André Blavier | Anabelle Kinet
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Dans le cœur historique de Liège, @Arqontanporin, en Neuvice, une initiative du Café Sans Filtre (Café Numérique Liège) avec les partages d’expérience de 4 acteurs économiques : Olivier de Wasseige, Amélie Alleman, André Blavier, Anabelle Kinet.

Comment développer un écosystème innovant ?

Dans le cœur historique de Liège, @Arqontanporin, en Neuvice, une initiative du Café Sans Filtre (Café Numérique Liège) avec les partages d’expérience de 4 acteurs économiques :

Amélie Alleman, entrepreneuse depuis une dizaine d’années. Elle a co-créé deux entreprises de consultance et de recrutement dans l’IT, avant de les revendre. Amélie développe maintenant un nouveau projet de startup qui sera lancé à la rentrée et qui s’appellera Betuned, utilisant le numérique à des finalités de recrutement, so stay tuned !

André Blavier, pour l’Agence du Numérique et Digital Wallonia, l’agence wallonne en charge du développement du numérique et le nom de la stratégie numérique mise en place par la Wallonie depuis maintenant presque 4 ans. Digital Wallonia a pour but de fédérer toutes les initiatives et tous les acteurs qui souhaitent faire de la Wallonie une terre où le numérique est un moteur de développement 

Olivier de Wasseige, qui notamment avec son passé d’entrepreneur dans l’IT et de coach du VentureLab a une connaissance de terrain transversale dans le domaine du numérique. Olivier est également investisseur et il a créé pour cela le fonds Internet Attitude. Il est aujourd’hui administrateur délégué de l’Union Wallonne des Entreprises, fédération qui représente toutes les entreprises en Wallonie (il y a 78.000 entreprises en Wallonie). L’objectif est de soutenir et motiver l’entrepreneuriat ainsi que de représenter et défendre les entreprises wallonnes devant le gouvernement, le parlement, l’administration, les syndicats ainsi que la presse, par exemple

Enfin, Anabelle Kinet a travaillé 20 ans en entreprise avant de créer sa propre boite, Cat2lion, qui a pour vocation d’aider les entreprises, startups ou sociétés plus grandes, dans leur stratégie de développement.

Qu’est-ce qu’un écosystème ?

Le Larousse le définit en Économie comme suit :

Organisation structurée (d'un secteur d'activité par exemple) dans laquelle les différents acteurs (entreprises, fournisseurs, institutions, etc.) sont reliés par un maillage fort leur permettant d'interagir efficacement : La ville a développé un excellent écosystème numérique.

Justement, sur base de cet exemple, qu’en est-il à notre niveau, dans notre région ? L’exemple wallon peut également être adapté aux lecteurs d’autres régions !

Le développement d’un écosystème numérique est un élément majeur  pour le développement économique de la Wallonie. Si chacun marche dans son couloir et ne se rencontre pas, par exemple, les personnes qui travaillent dans le numérique d’un côté, les équipes qui font de la recherche d’un autre côté et les personnes qui sont dans un autre secteur d’activités par ailleurs, cela ne va pas aller.

Par ailleurs, Olivier de Wasseige a pu le constater lui-même : un écosystème ne fonctionne que si tous les éléments indispensables au fonctionnement de l’entreprise sont présents.

Un des problèmes que l’on a aujourd’hui en Wallonie, c’est que l’on crée des demi-écosystèmes dans lesquels il manque toujours un des composants.

Il y a aujourd’hui une trop grande dispersion des moyens, un peu partout, sont créées des initiatives incomplètes. Et le benchmarking, l’analyse comparative montre qu’en fait, ce n’est pas une addition des éléments mais une multiplication qui est nécessaire. En pratique, si un des éléments de l’écosystème n’est pas présent, l’écosystème vaut 0. Cette analyse est peut-être choc et marque les esprits mais elle est tirée de son expérience. Par exemple, au départ avec le VentureLab, tout était là sauf le volet financier, il n’y avait pas de financeurs qui étaient prêts à investir, donc le VentureLab s’était lancé dans l’accompagnement de jeunes start-ups et puis à un moment donné, quand ces projets avaient besoin de financements complémentaires, il n’y avait pas autour d’eux de façon très proche ces éléments-là, une situation qui a changé aujourd’hui grâce aux différents partenariats conclus et grâce à la création du Sommet de l’étudiant entrepreneur.

Le financement peut se retrouver dans le public (invests publics ou DGO6, par exemple) ou dans le privé. En Belgique, plusieurs fonds privés se sont développés, pour tous les stades de maturité. Néanmoins, parmi les initiatives en place qui peuvent encore être développées, ce sont des fonds qui permettent d’aller beaucoup plus vers l’accélération, avec des investisseurs qui sont capables d’investir des montants beaucoup plus importants pour un série A ou un série B.

Puisque l’on cite le VentureLab, l’incubateur de projets d’étudiants et de jeunes diplômés, parlons de nos enfants et de la formation dans le cadre du développement d’un écosystème. Il doit pour cela y avoir une adéquation entre l’offre et la demande, une meilleure communication entre les organisations de formations et le monde professionnel parce qu’ l’on constate toujours un gap entre les formations et l’employabilité des personnes.

Saviez-vous que seulement 16% des diplômes de l’enseignement  supérieur en Wallonie sont des diplômes STEM (sciences, technologies, engineering and mathematics - incluant l’informatique), la moyenne européenne est à 26%, l’Allemagne est à 39% ?

Cela est un réel problème car l’écart se creuse et les personnes qui sont de moins en moins qualifiées ont de moins en moins de chances de trouver un emploi étant donné que les qualifications demandées sont de plus en plus fortes. 

Sur cette base, des initiatives réussies existent, par exemple, avec les Ecoles 42 (en France) et 19 (en Belgique) ou BeCode et Interface3 (en Belgique, également). Sur cette base, nos invités demandent vraiment à l’enseignement de renforcer les savoirs de base ainsi que le savoir-faire et le savoir-être. Dans les savoirs de base, sont inclus l’éveil numérique et l’apprentissage du codage pour les jeunes et les adultes. Tous demandent des « têtes bien faites » dont la formation peut se poursuivre par la suite dans le milieu professionnel. 

Dans ce sens, le développement de l’agilité et de la flexibilité à vouloir continuer à apprendre sont extrêmement importants. Tous demandent également de pouvoir expliquer aux jeunes l’utilité de ce qu’ils apprennent. Aujourd’hui, les jeunes veulent davantage de sens dans leur vie et dans leur carrière. Par exemple, s’il est expliqué à quoi va servir l’apprentissage des statistiques ou du sinus et du cosinus, ce que cela peut apporter dans sa vie professionnelle, l’étudiant peut plus facilement comprendre et se projeter. Lorsque des professionnels expliquent leur métier, cela aide également à s’épanouir. Un professeur participait également au débat et confiait que son expérience professionnelle et son activité complémentaire de développeur web lui permettent d’adapter son enseignement et de s’orienter vers la manière d’acquérir des compétences plutôt que les compétences elles-mêmes.

Par ailleurs, pour développer un écosystème complet, il est également possible de proposer aux étudiants en collaboration avec les écoles et des entreprises ou des services publics des projets concrets intéressants et motivants pour des personnes qui sont en train d’apprendre.

Une formation continue adaptée est donc nécessaire. L’apprentissage du raisonnement du codage, également. Entre-temps, dans cette même optique de développement d’un écosystème innovant, la Belgique a surfé sur la vague de la création d’espaces de coworking et de startup studios pour permettre le développement de projets entrepreneuriaux, deux solutions favorisant la mise en réseau, le partage et le comblement des ressources nécessaires (tant humaines que matérielles). Dans les faits, un des points importants pour créer un bon écosystème est la capacité à créer un  réseau qui permet d’aller plus loin ensemble, s’il est bien organisé et s’il n y a pas de divergences d’intérêts. Par exemple,

aux Etats-Unis, dans la Silicon Valley, que l’on cite souvent et à juste titre, est intégrée la culture du « pay it forward » sur base de laquelle je t’aide, tu vas sans doute m’aider dans le futur mais je ne l’attends pas nécessairement, je suis toutefois convaincu que ces actions vont avoir un impact plus important à plus ou moins long terme...

comme le faisait remarquer Jérémy Corman.

Un des créneaux que l’on doit également creuser, c’est de se concentrer sur des domaines dans lesquels la formation et l’économie wallonnes ont déjà de l’excellence. Prenons l’exemple des questions alimentaires et environnementales, avec l’agriculture, ce sont des questions qui nous concernent tous et la Wallonie a incontestablement des atouts en la matière. En quoi sommes-nous également forts, par exemple ? Dans l’IoT, les Data Sciences, d’une part, et dans la logistique ou l’industrie, par ailleurs. Aujourd’hui, nous dit André Blavier, nous n’avons pas encore complètement réussi à développer un écosystème rassemblant ces différentes forces et nécessités. Des initiatives réussies existent, par exemple, dans l’industrie avec Made Different Digital Wallonia, le programme d’accompagnement des entreprises manufacturières dans leur transformation vers l’industrie 4.0.

Après un passé glorieux et plusieurs questions ces dernières années, nous sommes capables de développer un écosystème pour l’industrie 4.0 avec des entreprises développant des produits ou services innovants dans l’analyse de données, l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle, la robotisation, par exemple, au service de l’industrie, d’une part, et d’autre part, une industrie qui veut se transformer et innover pour assurer son développement en travaillant également conjointement avec la recherche pour imaginer les coups futurs dans son secteur d’activité. 

Il s’agit d’une piste à continuer à creuser. Il faut investir de manière concentrée dans les forces de l’économie wallonne.

Pour conclure, aucun ne dit qu’il est plus compliqué qu’ailleurs de développer un projet en Wallonie. Au départ d’une idée ou d’un projet, d’un constat ou d’un rêve, cela se fait entre des personnes qui parviennent à s’entourer pour offrir chacune leurs compétences, développer des synergies et passer à l’action. Ensemble, ces équipes qui se créent  et qui réussissent partagent une expertise, une maitrise du numérique et cette vision leur permettant de saisir l’opportunité de transformer un business model. Leur formation, leur expérience et leur vision leur permettent d’appréhender l’économe avec un autre regard et la maitrise du numérique a un pouvoir transformateur. Ce qui rend d’autant plus nécessaire, une mise en réseau et une formation (continue) en adéquation avec les besoins et les forces d’une région.

L’essentiel reste qu’il n’est pas nécessaire de s’exiler à San Francisco pour innover et entreprendre avec succès mais on en appelle à plus de collaboration et à moins de dispersion.


Sébastien Lewy
Business Developer - EN, ES, FR, NL | Topics and Speakers Manager - Partnerships Manager 🚀